Tôt le matin,
la marâtre fit lever les enfants. Elle leur donna un morceau de
pain, plus petit encore que l'autre fois. Sur la route de la
forêt, Hansel l'émietta dans sa poche ; il s'arrêtait souvent pour
en jeter un peu sur le sol.
- Hansel, qu'as-tu à t'arrêter et à regarder autour de toi ? dit
le père. Va ton chemin !
- Je regarde ma petite colombe, sur le toit, pour lui dire au
revoir! répondit Hansel.
- Fou ! dit la femme. Ce n'est pas la colombe, c'est le soleil qui
se joue sur la cheminée.
Hansel, cependant, continuait à semer des miettes de pain le long
du chemin.
La marâtre conduisit les enfants au fin fond de la forêt, plus
loin qu'ils n'étaient jamais allés. On y refit un grand feu et la
femme dit :
- Restez là, les enfants. Quand vous serez fatigués, vous pourrez
dormir un peu nous allons couper du bois et, ce soir, quand nous
aurons fini, nous viendrons vous chercher.
A midi, Grethel
partagea son pain avec Hansel qui avait éparpillé le sien le long
du chemin. Puis ils dormirent et la soirée passa sans que personne
ne revînt auprès d'eux. Ils s'éveillèrent au milieu de la nuit, et
Hansel consola sa petite soeur, disant :
- Attends que la lune se lève, Grethel, nous verrons les miettes
de pain que j'ai jetées ; elles nous montreront le chemin de la
maison.
Quand la lune se leva, ils se mirent en route. Mais de miettes,
point. Les mille oiseaux des champs et des bois les avaient
mangées. Les deux enfants marchèrent toute la nuit et le jour
suivant, sans trouver à sortir de la forêt. Ils mouraient de faim,
n'ayant à se mettre sous la dent que quelques baies sauvages. Ils
étaient si fatigués que leurs jambes ne voulaient plus les porter.
Ils se couchèrent au pied d'un arbre et s'endormirent.
Trois jours
s'étaient déjà passés depuis qu'ils avaient quitté la maison
paternelle. Ils continuaient à marcher, s'enfonçant toujours plus
avant dans la forêt. Si personne n'allait venir à leur aide, ils
ne tarderaient pas à mourir. À midi, ils virent un joli oiseau sur
une branche, blanc comme neige. Il chantait si bien que les
enfants s'arrêtèrent pour l'écouter. Quand il eut fini, il déploya
ses ailes et vola devant eux. Ils le suivirent jusqu'à une petite
maison sur le toit de laquelle le bel oiseau blanc se percha.
Quand ils s'en furent approchés tout près, ils virent qu'elle
était faite de pain et recouverte de gâteaux. Les fenêtres étaient
en sucre. - Nous allons nous mettre au travail, dit Hansel, et
faire un repas béni de Dieu. Je mangerai un morceau du toit ; ça a
l'air d'être bon !
Hansel grimpa sur le toit et en arracha un petit morceau pour
goûter. Grethel se mit à lécher les carreaux. On entendit alors
une voix suave qui venait de la chambre
- Langue, langue lèche ! Qui donc ma maison lèche ?
Les enfants répondirent
- C'est le vent, c'est le vent. Ce céleste enfant.
Et ils continuèrent à manger sans se laisser détourner de leur
tâche. Hansel, qui trouvait le toit fort bon, en fit tomber un
gros morceau par terre et Grethel découpa une vitre entière,
s'assit sur le sol et se mit à manger. La porte, tout à coup,
s'ouvrit et une femme, vieille comme les pierres, s'appuyant sur
une canne, sortit de la maison. Hansel et Grethel eurent si peur
qu'ils laissèrent tomber tout ce qu'ils tenaient dans leurs mains.
La vieille secoua la tête et dit :
- Eh ! chers enfants, qui vous a conduits ici ? Entrez, venez chez
moi! Il ne vous sera fait aucun mal.
Elle les prit tous deux par la main et les fit entrer dans la
maisonnette. Elle leur servit un bon repas, du lait et des
beignets avec du sucre, des pommes et des noix. Elle prépara
ensuite deux petits lits. Hansel et Grethel s'y couchèrent. Ils se
croyaient au Paradis.